Cette période de Pâques nous rappelle à la joie de communion : eucharistie, Sainte Cène, présence réelle ou spirituelle, consubstantiation ou transsubstantiation – où en sommes-nous ? À quoi renvoient tous ces concepts ? Et nous réformés, à quoi nous référons-nous ?
Les différentes confessions chrétiennes ne sont pas d’accord sur leurs compréhensions de la Sainte Cène. C’est une source d’achoppement, pire d’anathème ! Le dialogue œcuménique n’a pas encore réussi à tendre vers un rapprochement, même si nous comprenons mieux nos positions. Alors faisons le point.
Pour les catholiques, l’eucharistie, le moment où le prêtre partage le pain et le vin, est le point central de la messe. Le prêtre, qui a été ordonné pour accomplir cet acte, et uniquement lui, va prononcer des paroles et poser des gestes. En théologie catholique, cet instant est nommé en latin « ex opere operato » (de par l’action opérée). Cela a pour conséquence de transformer le pain en corps et le vin en sang du Christ. Dans cette compréhension, le pain et le vin sont réellement corps et sang du Christ. A cela s’ajoute que les prêtres, (et c’est pour cela qu’ils sont prêtres), accomplissent à chaque eucharistie le sacrifice du Christ. Ils offrent à Dieu ce sacrifice et reçoivent en échange l’essence réelle de Dieu dans les espèces. Nous nommons cette compréhension transsubstantiation. La matière est transformée par le prêtre et l’esprit Saint en corps et sang du Christ.
Regardons maintenant la compréhension luthérienne. Pour Luther, Christ est présent dans les espèces comme l’incandescence du feu du forgeron est présente dans l’épée qui sort du fourneau. On ne peut séparer le feu de l’épée. Le réformateur allemand appuie sa conception sur la théologie de l’incarnation. Si Christ est réellement homme et réellement Dieu, le pain et le vin sont réellement corps et sang du Christ. La Sainte Cène est un acte de paroles. Mieux, c’est une parole incarnée. L’annonce de l’Evangile se poursuit dans le sacrement. Sacrement étant compris comme la présence visible d’une grâce invisible, pour reprendre St Augustin. Puisque c’est une parole incarnée, elle ne peut se vivre qu’en communauté. Le pain et le vin contiennent réellement la présence de Christ, reçue par notre foi en communauté.
Luther disait que le pain et le vin contiennent le Christ « in, cum et sub » (dans, avec et sous). Il n’y a pas de sacrifice parce que Christ s’est sacrifié une seule fois pour toute pour nous réconcilier avec le Père, conformément à l’épître aux hébreux. Cette compréhension est appelée consubstantiation.
Voyons maintenant la position d’Ulrich Zwingli. Zwingli fut réformateur à Zurich. Il était contemporain de Luther. Luther et Zwingli ont eu une « disputatio » autour de
la Ste Cène. Si Luther avait gravé sur la table de la discussion le mot « sein » (‘être’ en allemand) pour rappeler la dimension substantielle de la Ste Cène, Zwingli lui rappelait l’interprétation littéraire de ce sacrement. Pour le zurichois, si Jésus a bien dit « ceci est mon corps », il a également dit « je suis la porte ». Et cela ne faisait pas de Jésus une porte. Pour Zwingli, il ne faut pas confondre le signifiant et le signifié. Le pain représente le signifiant. C’est l’aspect matériel qui renvoie à une représentation mentale. L’amour de Dieu est le signifié, la représentation mentale qui donne du sens à mon existence. Nous pourrions dire que pour Zwingli, nous sommes dans une présence spirituelle. Le pain reste du pain mais il signifie, lorsqu’il est partagé avec la communauté chrétienne, tout l’amour de Dieu pour notre humanité. La pensée de Zwingli a largement irrigué l’approche réformée.
Calvin, auteur d’un « Petit Traité sur la Sainte-Cène », aurait peut-être pu réconcilier les deux positions. Pour résumer la sienne : « ceci présente mon corps ». Ce n’est que du pain, ce n’est que du vin, mais avec ces signes, et par l’Esprit Saint, le Seigneur nous atteste que nous avons réellement communication à son corps, son sang, en un mot à sa vie. Voici cet éclairage pour vous aider à mieux prendre conscience de l’importance et de la signification des paroles et actes accomplis lors de la Ste Cène.