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Le temple du Change
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Au 15ème siècle, la situation géographique privilégiée de Lyon en fait une plaque tournante pour toutes sortes de marchandises. Soies d’Italie, épices d’orient, textiles de Champagne et de Flandre, bois, métaux, vin, cuirs et peaux transitent par Lyon et se négocient à l’occasion des foires. Les marchandises sont exemptées de droits d’octroi dans ces foires dites « franches », qui bénéficient de privilèges accordés par Louis XI et Charles VIII en 1420, 1444 et 1462, les portant de deux à trois puis quatre fois l’an (1er lundi après la fête des Rois, 1er lundi après Quasimodo, 4 août et 3 novembre). L’afflux d’étrangers, riches en monnaies légales, nécessite la présence de « marchands banquiers » qui vont régler les paiements par lettres de change et convertir les monnaies étrangères.
Durant deux siècles, ces opérations de change se déroulent en plein air sur la place de la Draperie — plus tard place des Changes — rive droite de la Saône au débouché du Pont de pierre. A partir de 1517 et pendant des années, marchands et changeurs font de vaines démarches auprès du Consulat pour la construction d’un local.
1551 : Un Edit du roi Henri II ordonne la construction d’une « maison commune, en laquelle se pourroit aisément faire belle court, troys galleries descouvertes, une grande salle de vingt-cinq toyses de long sur huit et demye de large », avec magasins, boutiques et logements. Mais le financement n’est pas prévu pour ce coûteux projet qui n’aboutit pas. L’idée d’une loge pour le commerce et le change fait son chemin.
1584 : Henri III fait acheter par la ville la bâtisse dite « Maison ronde » pour la démolir et élargir la place du Change, car « é chose très nécessaire pour mectre en bataille quand besoin s’en offrira. »
1631 : plusieurs bourgeois et négociants offrent de contribuer financièrement à l’édification sur cette place de « loges basses où ils pourroient commodément conférer et commercer ensemble. » On fait venir de Paris l’architecte Simon Goudet.
1641 : les travaux sont très avancés, mais l’achèvement traîne suite au décès d’un entrepreneur. Il y aura encore un appel d’offre pour les travaux en 1653. L’analyse des archives et des plans de Lyon faite par Daniel Ternois montre que la Loge est alors constituée d’une galerie de quatre travées en façade et de deux travées en retour au nord et au sud, que l’entrée se fait par les deux petit côtés et qu’au sud la Loge est accolée à des maisons vétustes. Ce petit édifice classique, d’une grande sobriété, bien qu’il se révèle rapidement insuffisant pour les besoins des marchands, durera un siècle.
1700 : Robert de Cotte, appelé à Lyon pour ériger la statue équestre de Louis XIV, propose de l’installer sur la place du Change en démolissant la vieille loge pour la reconstruire légèrement plus au nord. Ces projets n’aboutissent pas : c’est Bellecour qui sera choisie en 1711.
1734 : les négociants expriment une requête auprès du Consulat, se plaignent de la vétusté et de l’étroitesse de la Loge. Ils proposent d’en construire une plus grande, soit au même endroit, soit tout près de là « dans la place du Gouvernement avec un grand perron sur la rivière, ce qui formerait une décoration agréable de toutes parts (…) On pratiquerait dans le haut un grand vaisseau pour une bibliothèque publique… ». Le Consulat acquiert l’Hôtel du Gouvernement dans le but d’y construire en lieu et place une Loge avec une bibliothèque au-dessus. Mais les finances de la ville ne permettront jamais la mise en œuvre de ce projet.
1747 : le gouverneur accepte la construction d’une nouvelle loge à l’ancien emplacement, tout en limitant la dépense, « le tout conformément aux plans devis estimatifs qui avoient été dressés par le Sieur Soufflot. » Les travaux sont confiés à Jean-Baptiste Roche, architecte présenté par Soufflot et sous sa caution. Soufflot fournit plans et élévations, établit les devis, mais c’est Roche qui conduit les travaux. La gravure de Bellicard a pour légende : « Loge des changes de Lyon exécuté sous la conduite de J.G. Soufflot et des Srs. Roche en 1749. » La construction de la loge dure à peine deux ans.
1769 : on note que « les travaux de la loge au change paraissent n’avoir été qu’une sorte d’embellissement ou de reconstruction de celle qui existait auparavant et à laquelle on aurait ajouté une arcade. » Les travaux ont isolé le bâtiment précédemment accolé à des maisons au Sud, élargi la rue Nord (actuellement rue de la Loge) par la destruction de certaines maisons. Les maisons en face ne sont pas abattues, la place n’est pas agrandie ni ouverte sur la Saône comme De Cotte l’avait préconisé. L’arcade de droite et les deux arcades en retour au nord sont démolies. On reconstruit deux arcades au lieu d’une en façade et deux arcades en retour au Nord. Les trois arcades de gauche sont conservées. Le rez-de-chaussée est donc agrandi (cinq travées au lieu de quatre).
Deux perrons incurvés de sept marches sont établis aux angles de la terrasse. Les vieux bâtiments sur le derrière sont démolis, les fondations refaites et la grande salle reconstruite sur un nouveau plan rectangulaire. Sa voûte est « à l’impériale » : elle repose sur de larges piliers, deux d’entre eux renferment des escaliers à vis permettant l’accès à la salle de l’étage qui s’ouvre sur la façade. On pénètre du péristyle dans la grande salle par trois portes.
Une quatrième s’ouvre au fond sur la rue Gadagne. La salle reçoit une abondante lumière par 17 fenêtres sur deux étages. La voûte de la grande salle occupe toute la hauteur ; à l’étage, outre la salle surmontant le péristyle, se trouvait un modeste appartement de gardien. Au-dessus du rez-de-chaussée, la façade a été entièrement refaite.
Il était prévu d’installer des statues sur les pans coupés aux angles (l’Europe et l’Asie par Perrache fils et l’Amérique par Chabry fils).
L’institution du Change subsiste jusqu’à la Révolution. Pendant la Révolution le commerce est interrompu, la Loge fermée.
1800 : la Loge encore vacante devient pendant un temps une auberge. Un nommé Joly la prend en location et y met une enseigne portant: « Hôtel du change. On loge à pied et à cheval ».
Sommée de mettre à la disposition du Consistoire Protestant de Lyon un lieu de culte, la ville accorde la Loge du Change le 28 pluviôse an XI (11 novembre 1803). On raconte que le choix est proposé aux protestants entre cet édifice et l’église des Cordeliers (Saint Bonaventure), alors abandonnée et servant de grenier à fourrage. Cette église délabrée, trop grande, paraît peu avantageuse : les protestants préfèrent la Loge du Change. Les dépenses pour le nettoyage et les réparations sont couvertes par une souscription et une somme de 10 000 livres votée par le Conseil Municipal.
La salle consacrée au culte ne comprend alors que la partie située sous la coupole, sans tribune. Une chaire est adossée contre le mur latéral sud avec au pied quelques places réservées aux membres du Consistoire et du Diaconat. Les bancs sont placés face à la chaire jusqu’au mur opposé. On entre dans la salle de culte par deux petites portes percées dans la paroi Est (côté Place). La grande ouverture du milieu n’existe pas encore ; il y a aussi une petite porte sur la rue de Gadagne. Au rez-de-chaussée se trouve une sacristie à gauche en entrant avec au-dessus le logement du concierge ; à droite deux pièces, formant avec deux autres pièces au-dessus le logement du pasteur. Au premier étage une école de garçons et de filles dans 2 vastes pièces. Et, enfin, sous les combles, les préaux, un vestiaire et une bibliothèque.
1822 : la chaire est déplacée et installée côté ouest (côté rue Gadagne, face à l’entrée) et surélevée, avec escaliers d’accès. Les bancs sont installés face à la nouvelle chaire. Mais la capacité d’accueil du temple n’est plus en rapport avec le nombre de protestants de la ville. Le Consistoire fait construire une galerie en hémicycle pour recevoir l’orgue dans la partie centrale et des tribunes pour le public. L’ensemble est supporté par douze colonnes. L’accès à ces tribunes se fait par deux escaliers tournants en bois. Dépense : 10 500 livres, couverte par le Conseil Municipal, le Consistoire et le Roi Louis XVIII pour 3 000 livres.
1856 : nouvelles modifications car il faut encore agrandir le lieu de culte. La solution adoptée consiste à :
440 places sont gagnées. L’école du premier étage est supprimée, laissant une grande pièce destinée aux réunions et qui permet en ouvrant de larges portes donnant sur la tribune, de porter la capacité du temple à 1200 places !
La tribune
A partir de 1860, le Consistoire Réformé, constatant que l’édifice est à nouveau insuffisant, décide d’édifier le Grand Temple (1884) de 1400 places. C’est à partir de là que le Change n’est plus consistorial mais paroissial. (Notons au passage que la capacité du temple est aujourd’hui limitée à 350 places pour des raisons de sécurité, selon des normes qui n’ont rien à voir avec celles de 1856 !)
1977 : Dépose de la chaire qui se retrouve au niveau du sol ainsi que les sièges du conseil. Dépose de la table de marbre qu’on installe à proximité de l’entrée.
Une nouvelle restauration de la façade a été effectuée en 2014-2015.
Daniel Ternois. La loge du Change. In L’œuvre de Soufflot à Lyon : Études et documents, 1980, Presses universitaires de Lyon, p. 77-98.
Blez, fils. Le centenaire du temple de la Place du Change. Lyon : Impr. Rey, 1903, p.13-24